Museo d’Arte Oriental Venezia Ca Pesaro
« Il en est des arts et des techniques, comme des lieux et des légendes. Ils sont parfois revisités avec une grâce qui leur donne une autre lumière, une seconde vie. » Le Figaro.fr- Sous l’œil inspiré de Li Chevalier
Dans l’effervescence de la Biennale d’Art 2024, le Musée D’Art Oriental de Venise offre à ses visiteurs une rencontre exceptionnelle avec l’univers créatif de l’artiste franco-chinoise li Chevalier. Cette exposition monographique qui rassemble une sélection d’une trentaine d’œuvres majeures de l’artiste, est pour elle un témoignage de reconnaissance pour Venise, cette ville unique, qu’elle a découverte au début des années 90, une cité qui a bouleversé décisivement sa trajectoire.
Dans cet imposant palais baroque du 17e siècle, sur le Grand Canal, l’exposition est une intervention in situ qui dialogue avec la collection du Musée, l’une des plus grandes collections d’art japonais de la période Edo (1603-1868) existant en Europe. Le musée qui s’abrite depuis 1928 au troisième étage de Ca’ Pesaro combine aujourd’hui sa collection d’œuvres d’art orientales anciennes avec des expositions temporaires inédites comme celle de Li Chevalier, avec la contribution académique du critique d’art, curateur français Olivier Kaeppelin.
Née en Chine, épanouie sur le sol européen depuis les années 80, Sorbonnarde en Philosophie et chanteuse dans le chœur de l’Orchestre De Paris, c’est à Venise que Li Chevalier a pris sa première leçon de langue italienne.
Parler Italien, ce n’était pas seulement pour mieux interpréter le bel canto, mais surtout pour ne plus jamais revenir sur terre, une fois propulsée dans l’orbite de la création, grâce à cette rencontre avec Venise, avec l’Italie et son art qu’elle découvre et dont la beauté la possède et l’envoûte. Li Chevalier entame alors des séjours d’études récurrents à Venise puis à Florence, Rome, pour l’apprentissage de la peinture classique, toutes ces bases acquises, avant de terminer sa formation par l’art contemporain au Central Saint Martins à Londres.
Alors prête, Li Chevalier a fait le choix de revisiter la peinture à l’encre de Chine. Ce retour fut un choix, celui d’incarner une alliance novatrice de l’encre de Chine avec l’essence même de la composition et de la matière, du support (toile) si propres à la démarche picturale européenne. Ce fut aussi un choix de confronter une esthétique orientale à une vision du monde faite de doute et de rédemption, d’humanisme et de solitude, qui puise aux sources de la philosophie occidentale. Le Figaro.fr- Sous l’œil inspiré de Li Chevalier
Li Chevalier ne peut créer sans mettre sur un piédestal la musique. Le titre de son exposition « J’entends l’eau rêver » se réfère sans surprise à une pièce musicale de Toro Takemitzu. Il existe un parallèle direct entre le compositeur japonais francophile et l’artiste franco-chinoise: tous deux opèrent sur de vastes « espaces culturels », au point d’absorber avec passion les influences des mondes occidentaux et orientaux. L’un comme l’autre, développent un langage universel tout en préservant une haute couleur singulière et toute orientale. Les deux artistes étendent leur langage à la poésie, à la calligraphie mais surtout au concept d’espace/silence. Dans les moments musicaux suspendus et suggestifs de Takemitzu, l’on retrouve les fonds spatiaux silencieux de Li Chevalier.
Dans le climat de tension, de méfiance et de l’intolérance qui assombrit le ciel contemporain, l’art de li Chevalier nous offre le fruit d’un humanisme soutenu par un élan d’ouverture vers l’autre, au-delà des frontières et des continents.
Si l’exposition retrace un chemin personnel, c’est pour mieux ciseler une version propre à « l’interculturalité », qui mérite son propre chapitre dans l’histoire de « l’Encre en mouvement » du 21e siècle, telle qu’écrite par les artistes de la diaspora d’Asie, ivres de liberté et de rencontres.