Depuis 2011, son travail explore des matériaux empruntés à des lieux saints – mausolées, marabouts et espaces de culte – dans une recherche plastique et conceptuelle ancrée dans les tensions entre le profane et le sacré. “Cire, Sucre, Laine, Sel, Pierre d’alun,...” ces matériaux, souvent transparents mais perçus comme blancs à l’œil, portent en eux une ambiguïté essentielle : ils condensent des contradictions liées au soi, à la tribu, à la communauté. Cette blancheur apparente agit comme un voile symbolique, une matière traversée d’histoires, de croyances et de projections collectives.
Le travail interroge la couleur, non pas seulement comme donnée esthétique, mais comme construction culturelle et perception mouvante. La forme y est fragmentée, instable, parfois inachevée, comme pour mieux évoquer l’indéfini, le transitoire ou l’effacement. La matière devient langage : sacrée, non pas par destination religieuse, mais par la force qu’elle dégage, par son potentiel à faire sens et à générer une mémoire.
Une dimension essentielle de cette recherche réside dans le rapport à l’origine et aux racines. La matière utilisée – empruntée à des espaces traditionnels et symboliques – devient vecteur de questionnement : que signifie "revenir aux sources" dans un monde contemporain marqué par la fluidité, le déplacement, la déterritorialisation ? L’artiste interroge comment nos rapports aux origines, souvent mythifiés, se transforment dans des contextes actuels. Il ne cherche pas à figer une identité, mais à la mettre en mouvement, à la faire résonner dans des formes nouvelles. Ce lien entre matière et origine ouvre un dialogue entre mémoire et actualité, entre héritage et relecture.
Ce parcours artistique s’inscrit dans une perspective post-moderne, inspirée notamment par la pensée de Gilles Deleuze, et plus précisément par sa conception de la "différence" – non pas comme opposition, mais comme création, comme affirmation d’un devenir. La pratique artistique devient ainsi une fabrique de concepts : chaque œuvre pose une question, formule une hypothèse sensible, propose un déplacement. L’expérience esthétique n’est plus simple contemplation, mais un terrain d’élaboration d’idées à partir de la matière elle-même.
Ainsi, son travail engage une réflexion où le geste artistique devient un acte de pensée, une forme incarnée de philosophie en action – un territoire d’interrogations où s’entrelacent le spirituel, le politique, l’intime et l’héritage.

